lundi 16 décembre 2013

Faut-il interdire le bénévolat dans les grandes manifestations sportives ?

Frédéric Thiriez l'a annoncé le 14 décembre, à l'occasion de l'assemblée générale de la FFF : au mois de janvier, un séminaire aura lieu dans le but notamment d’affiner la collaboration entre l’Euro 2016 et le football professionnel, il y sera notamment question de la mise à disposition éventuelle des salariés des clubs et du bénévolat. Question : est-il décent que l'organisation de grandes manifestations sportives par des organismes internationaux générant des chiffres d'affaires colossaux - ici l'UEFA, ailleurs la FIFA, le CIO... - s'appuie massivement sur des bénévoles ?

En 2012, l'Euro de football avait généré 1,34 milliard de chiffre d'affaires pour un bénéfice net de 250 millions d'euros en faveur de l'UEFA, propriétaire de l'événement et détentrice des droits commerciaux, un chiffre équivalent à celui réalisé lors de l'édition 2008.
Et de la même façon que la Grèce ne s'est jamais vraiment relevée du coût de l'organisation des JO 2004, la Pologne mettra des années à éponger l'investissement public de l'Euro 2012.
Mais les finances publiques ne sont pas les seules à être pompées par les grands organismes qui se servent des économies des pays d’accueil pour générer des profits tout en laissant des ardoises locales. Car pendant que certains organisateurs, comme le tennis professionnel qui met un point d'honneur à rémunérer jusqu'aux ramasseurs de balles ou les clubs de foot et de rugby qui chaque week-end déclarent un salaire à des vacataires qui contrôlent les billets, les grosses machines du sport-business n'hésitent pas à solliciter les bonnes volontés à leurs - gros - profits.
Une Coupe du monde Fifa sollicite des milliers de personnes, qui officient dans les centres de presse, en tribunes, etc. Cette aide providentielle est la bienvenue quand il s'agit de transformer les 932 millions d'euros de chiffres d'affaires de l'édition 2010 en Afrique du Sud en bénéfice net. L'exemple sud-africain étant par ailleurs lui aussi à mettre au rang des déceptions en termes de rapport coûts-bénéfices pour le pays d'accueil.


En la matière, le grands organismes internationaux ayant un statut non commercial ont toutefois des leçons à recevoir du secteur marchand. Amaury Sport Organisation, organisateur du Tour de France, fait en effet figure de prédateur hors normes. Si l'on sait qu'ASO fait payer à prix d'or aux villes-étapes l'accueil d'une course pour laquelle les collectivités investissent déjà dans la rénovation des routes, on sait moins que le juteux Marathon de Paris profite aussi des bonnes volontés.
L'édition 2013 de la course organisée en avril dernier a généré un chiffre d'affaires de 5,6 millions d'euros et une marge brute de près de 30% (1,6 million). Cerise sur le gâteau : malgré ce beau bénéfice pour une épreuve aussi courte, les personnes qui distribuaient bouteilles d'eau et bananes (fournies gracieusement en échange d'une visibilité pour les marques sur le parcours) aux 50.000 participants (inscription payante !) ... étaient des bénévoles !
Aujourd'hui, les grandes organisations sportives internationales abusent du bénévolat. Celui-ci pourrait se comprendre si les événements ne généraient pas de bénéfices, comme c'est le cas pour une course cycliste régionale, voire si les retombées sociales et économiques étaient à la hauteur. Mais l'inflation des exigences, entraînant par ailleurs des coûts de construction exorbitants à la charge de la collectivité, a fait des grands événements internationaux des machines infernales qui, dernièrement, n'ont pas tenu leurs promesses en termes de développement social et économique pour les pays d'accueil. Dans ces conditions, le recours à une main-d'oeuvre gratuite semble plus que discutable.

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.