samedi 28 juin 2014

Au ministère des Sports, les principaux dossiers repartent à zéro

Après trois mois d'atermoiements, on y voit un peu plus clair dans les intentions du nouveau duo à la tête du ministère des Sports. Même si Jean-Paul Krumbholz, secrétaire général du Syndicat national des activités physiques et sportives (Snaps, majoritaire), affirme qu'"aujourd'hui, il est manifeste que le gouvernement Valls n'a pas d'idée réelle sur le positionnement du sport", une récente série d'entretiens entre représentants syndicaux et la ministre Najat Vallaud-Belkacem, d'une part, et le secrétaire d'Etat Thierry Braillard, d'autre part, a permis de faire émerger trois sujets phares : la formation/certification, les Creps (centre de ressources, d'expertise et de performance sportive) et enfin le statut des personnels du ministère. Et pour l'essentiel, les dossiers avancés depuis deux ans par l'ancienne équipe vont repartir quasiment à zéro...

Certifications : recentrage vers les fédérations ou vers l'université ?

La formation/certification aux métiers du sport offre, selon un rapport de l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports (IGJS) publié en décembre dernier, un paysage d'"une complexité croissante" et d'acteurs (université, Etat et fédérations sportives) aux "logiques divergentes, voire concurrentielles" (lire ci-contre nos articles des 7 janvier et 14 mars 2014).
Lors des récents entretiens, le Snaps a pu faire entendre sur la question sa revendication "numéro un" : que soit intégrée aux exigences de la délégation ministérielle aux fédérations une obligation de formation et de certification des diplômes de niveau IV (équivalent Bac permettant un encadrement rémunéré). Une revendication d'autant plus forte qu'elle est partagée par le CNOSF (Comité national olympique et sportif français). Pour Jean-Paul Krumbholz, cela donnerait "plus de poids aux fédérations. Les diplômes fédéraux aujourd'hui ne permettent pas d'encadrer contre rémunération. Les fédérations s'épuisent dans des diplômes qui souvent ne servent à rien, tandis que les entraîneurs de clubs sont dans la majorité des cas payés au noir".
Chez Jean-Marc Grimont, secrétaire général du Sgen-CFDT (qui ne fait pas partie de l'intersyndicale), le son de cloche est différent. Si pour lui aussi, la mission prioritaire du ministère est la formation, il pense en revanche que "l'articulation prioritaire n'est pas à rechercher avec les fédérations mais avec l'enseignement supérieur". Faisant écho aux récentes manifestations de l'Anestaps (Association nationale des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives - lire notre article ci-contre du 9 avril 2014), il estime qu'il faut abattre les "barrières historiques" côté Jeunesse et Sports : "Après des parcours qui les mènent parfois jusqu'à bac+5, les étudiants sont obligés de repasser des diplômes de niveau IV, qui coûtent d'ailleurs fort cher, pour accéder aux métiers du sport." Et Jean-Marc Grimont de préciser : "Il nous a semblé que notre position trouvait un écho chez nos interlocuteurs ministériels." On saura bientôt si cette impression est la bonne… Selon le secrétaire général du Sgen-CFDT, les préconisations du rapport de l'IGJS ne devraient pas être reprises et un nouveau cycle de consultations autour d'un diagnostic devrait être lancé par le ministère. Le chantier des formations/certifications est donc plus que jamais ouvert…

La régionalisation des Creps repoussée d'un an ?

Autre chantier qui devrait se prolonger : celui des Creps. Attendu pour le 1er janvier 2015, le transfert de ces établissements déconcentrés aux régions pourrait être repoussé. "Là aussi, il y aura un nouveau cycle de concertations autour d'un texte qui nous sera présenté prochainement. Mais nous n'avons pas eu de réponses très précises sur ce qui va bouger par rapport au texte qui date de l'an dernier", explique Jean-Marc Grimont. Pourquoi ce nouveau délai ? Il semblerait que l'Etat éprouve quelques difficultés à convaincre toutes les régions susceptibles de reprendre un établissement (17 des régions actuelles). Une se montrerait particulièrement réticente… tandis que d'autres voudraient au contraire que leurs compétences aillent au-delà de ce que prévoit le projet de loi de 2013, à savoir essentiellement la gestion des locaux et des personnels TOS.
Si l'échéance du transfert est encore floue, "on nous a laissé entendre que ce serait plutôt au 1er janvier 2016", précise Jean-Marc Grimont. Un délai que le syndicaliste compte mettre à profit pour défendre une autre vision de la réforme : "Nous portons le projet de créer un grand établissement regroupant les Creps, l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) et les écoles nationales autour d'une mission principale : la formation." Et si le projet n'allait pas dans ce sens, Jean-Marc Grimont ne serait "pas hostile à ce que les régions prennent encore plus de part dans l'avenir des Creps, qu'on leur transfère tous les personnels". Car avec une partie des missions confiées aux régions tandis que d'autres resteraient nationales, il craint "un éclatement des personnels, là où on revendique au contraire une harmonisation".

Une disparition du ministère des Sports à moyen terme ?

Le devenir des personnels et leur statut, c'est justement le troisième point abordé lors des récents entretiens. Si a priori les revendications peuvent paraître ici relever de la "cuisine interne" de l'administration, pour les syndicats, il s'agit ni plus ni moins que de la survie du ministère des Sports. "Nous avons eu des fuites, selon lesquelles le secrétariat général des ministères sociaux [auquel sont aujourd'hui rattachés les personnels Jeunesse et Sports, ndlr] évoque la possibilité de supprimer l'organisation Jeunesse et Sports dans le cadre des nouvelles économies 2015-2016. Face aux suppressions de postes et à la déliquescence des missions, nous avons calculé que ce ministère disparaîtrait en cinq à dix ans", argumente Jean-Paul Krumbholz. Une sombre vision partagée par Patrice Weisheimer, secrétaire général du SEP-Unsa : "Il y a eu une vraie volonté de tuer nos corps respectifs et de les faire entrer dans le rang par rapport aux corps de la cohésion sociale bien plus souples et disciplinés. La culture professionnelle, qui reste éducative, des personnels Jeunesse et Sports ne trouve plus sa place au sein de ce grand magma-là, il y a donc un vrai mal-être des agents. Par ailleurs, quand un préfet doit faire des choix dans une direction départementale, entre du logement social et le financement d'un club de foot, il va aller sur le logement social. Tout ceci nous amène à penser que notre ministère est en train de disparaître."
Pour les représentants des personnels, la solution passe donc par la constitution d'un ministère des Sports de pleine autorité, intégré à un grand pôle éducatif. "Aujourd'hui, il y a une très mauvaise coexistence dans les nouveaux services déconcentrés communs avec la Santé, constate Jean-Paul Krumbholz. Cela crée d'énormes tensions qui seraient réglées par le fait que nous rejoignions une grande DRH éducative. Nous serions alors dans un ensemble comprenant les personnels de l'Education nationale avec lesquels nous travaillons depuis 40 ou 50 ans." Pour le secrétaire général du Snaps, le message serait "clairement passé" et un "engagement de promesse de réponse" a été pris par le ministère. "Les politiques n'ont pas d'argument réel à nous opposer. On a quand même senti qu'ils étaient très embêtés, je ne sais pas pourquoi…", conclut Jean-Paul Krumbholz.

(Localtis)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.