Un million d'emplois créés et
chiffres d'affaires en hausse: le Mondial-2014 dope, certes, l'économie du
Brésil, mais derrière les ventes de "vuvuzelas" (clairons) ou de maillots
"seleçao", le géant sud-américain craint, après le coup de sifflet final, une
sévère gueule de bois pour son économie minée par le fléau de l'inflation.
Devant une vitrine de Rio de Janeiro chamarrée aux couleurs du Brésil,
Josimar Barbosa fait résonner sa vuvuzela sous son chapeau jaune et vert pour
attirer les touristes. "Vous pouvez être aussi sexy que moi pour soutenir le
Brésil! Achetez votre chapeau, votre vuvuzela, votre drapeau!", entonne-t-il
joyeusement sous les yeux des passants qui s'arrêtent devant les produits
dérivés étalés sur le trottoir.
Aujourd'hui, les affaires sont bonnes: le commerçant de 27 ans boucle vente
sur vente, en octroyant çà et là quelques rabais. "C'est comme ça tout le
temps" depuis l'arrivée des touristes pour la Coupe du monde, explique-t-il, se
vantant d'un chiffre d'affaires en hausse de 90%.
"Tout ce qui est lié à cet événement est bon pour le Brésil, y compris pour
le petit commerce", assure-t-il en adressant un clin d'oeil à une cliente qui
vient d'acheter pour 60 reais (environ 20 euros) de marchandise.
Selon une enquête menée par la Fondation Institut de recherches économiques
(FIPE), le Mondial-2014 doit injecter 30 milliards de reais (environ 10
milliards d'euros) dans l'économie brésilienne. Selon cette étude, la
compétition aura engendré la création d'un million d'emplois pour la septième
puissance économique mondiale.
Mais les avis sont divisés sur les véritables bienfaits économiques du
Mondial-2014, certains experts affirmant que l'impact de la Coupe du monde sera
inférieur aux 11 milliards de dollars de fonds publics consacrés aux
infrastructures liées à la compétition.
D'autres soutiennent même que le Mondial et la perspective des jeux
Olympiques d'été 2016 à Rio de Janeiro alimentent l'inflation. Un fléau que la
Banque centrale s'est efforcée de contenir ces derniers mois, sans grand
succès, en élevant son taux directeur, ce qui freine les investissements et la
croissance.
En juin, l'inflation au Brésil était de 6,4% sur 12 mois, s'approchant de
la limite fixée à 6,5% par la Banque centrale.
"L'accueil d'un événement sportif mondial n'a et n'aura pas un impact
positif majeur sur l'économie brésilienne", prévoyait récemment
l'assureur-crédit français Euler Hermes, filiale de l'allemand Allianz.
En revanche, d'après l'assureur, des "pressions inflationnistes
supplémentaires" sont à craindre. "L'inflation devrait rester élevée, à 6,3% en
2014 et à 6,1% en 2015. Plus de 0,5 point de pourcentage de l'inflation
annuelle en 2014 s'explique par ces méga événements".
L'économie du Brésil a perdu de son lustre depuis 2007, lorsque le pays a
été désigné pour l'organisation du Mondial-2014, sous l'impulsion de
l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva.
En 2010, le taux de croissance s'élevait à 7,5%, mais il s'est tassé les
années suivantes pour plafonner à 2,5% en 2013. Cette année, les économistes
tablent sur une hausse du PIB de seulement 1,2%, malgré la Coupe du monde.
Un ralentissement d'autant plus douloureux que le pays a vu 36 millions de
personnes (18% de la population) accéder à la classe moyenne ces dernières
années grâce à de nombreux programmes sociaux.
Mais aujourd'hui ce pouvoir d'achat se voit en partie étouffé par la hausse
soutenue des prix, un phénomène qui alimente la grogne sociale et pèse sur le
budget du gouvernement.
De nombreux économistes pensent que le Brésil s'est trop reposé sur
l'incitation à la consommation et n'a pas suffisamment épargné ni investi dans
les infrastructures.
"Le modèle axé sur l'incitation à la consommation s'est épuisé", juge
Marcos Troyjo, économiste brésilien de l'université Columbia de New York.
"Le Brésil a connu une forme de mutation de son ADN. Il doit désormais
davantage se consacrer à l'investissement, aux exportations, et se tourner vers
le marché global. La compétitivité doit devenir une priorité", plaide
l'universitaire, dont l'avis est partagé par de nombreux confrères libéraux.
En campagne pour sa réélection en octobre, la présidente Dilma Rousseff ne
semble toutefois pas disposée à changer de plan économique, alors que
l'inquiétude gagne de nombreux secteurs dans son pays.
Même les Brésiliens qui tirent profit de la Coupe du monde confient leur
appréhension.
Eduardo Blumberg, co-propriétaire du fabriquant de vêtements Dimona,
affiche de 20 à 30% de chiffre d'affaires supplémentaire pendant le Mondial.
Mais il admet aujourd'hui craindre la pression de la hausse des prix.
"Chaque fois que nous passons une commande, nos fournisseurs haussent leurs
tarifs", déplore l'entrepreneur de 53 ans.
"C'est vrai que la Coupe du monde nous aide. C'est un événement festif, les
gens dépensent de l'argent. Mais cela ne fait que retarder la faillite de
l'économie", maintient-il avec pessimisme.
(AFP)
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