lundi 20 octobre 2014

Euro-2016: un héritage de 100.000 places qui pose problème

Avec les dix stades flambants neufs de l'Euro-2016, c'est un héritage encombrant de 100.000 places supplémentaires qui va retomber sur les clubs de Ligue 1: un défi que les dirigeants veulent relever, coachés par un spécialiste américain du "marketing de sièges".

"La question est de savoir +Comment transformer ces places en valeur ajoutée?+", explique Bruno Belgodère, directeur marketing de l'UCPF. "On ne rentabilisera les places, on n'augmentera le nombre de spectateurs qu'en proposant de nouveaux services, en accueillant mieux les gens. Car la concurrence est sévère sur le secteur des loisirs."
Une fois posé ce postulat, les clubs sont souvent désarmés en terme de stratégie. Mais qu'à cela ne tienne: la Ligue (LFP) a loué pour eux les services du consultant Marshall Glickmann, ex-patron des Portland Trailblazers, plus connu durant sa période NBA pour les taux de remplissage faramineux du Moda Center de la capitale de l'Oregon que pour les résultats de son équipe de basket.
Invité fin septembre à s'exprimer devant les présidents de club, rencontrés depuis un par un lors d'entretiens personnalisés, Glickmann veut révolutionner les mentalités: "Un siège est un actif, au même titre qu'un joueur", a martelé l'expert, très critique envers le credo français selon lequel la victoire est la meilleure des stratégies commerciales.
"L'aspect sportif a finalement peu d'importance sur une certaine frange de marketing", reprend Bruno Belgodère. "Si on fait des efforts, on garde un socle de spectateurs. Si le club ne flambe pas, la qualité des services peut gommer les aspérités."
En clair, les programmes de fidélisation, la dématérialisation des billets, les offres d'entrées par pack, la modification des horaires, l'amélioration des accès aux stades, leurs offres de connectique et bien sûr les services de restauration de différentes gammes doivent permettre à la France de rattraper son retard abyssal: en Ligue 1, 13% des recettes des clubs sont réalisées les jours de match (billetterie et consommations) contre 25% en Premier League et 44% en Bundesliga !
L'équation ne semble pourtant pas si simple. D'abord en raison d'une grande différence entre la Ligue 1 et la NBA par exemple, où les clubs sont assurés de leur place et ne risquent pas une relégation sportive, quelles que soient leurs performances sur le parquet.
"Il ne faut pas croire que les nouveaux stades vont suffire à faire venir les gens", estime Lionel Maltese, spécialiste en marketing sportif, professeur à la Kedge Business School. "Si le contenu ne suit pas, ce sera comme un joli magasin vide. Ce qui attire le public avant tout, c'est la performance sportive et le résultat."
L'OM en est le meilleur exemple: le nouveau Vélodrome, "malgré des services un peu meilleurs, n'est pas comparable avec les nouveaux stades de référence", estime Maltese. Il bat pourtant tous les records en terme de taux de remplissage depuis le début de la saison grâce aux exploits des joueurs de Marcelo Bielsa. "Aux Etats-Unis, les spectateurs ont autre chose à faire que regarder le match. En France, ils viennent d'abord pour ça."
En matière de culture et de structures sportives, la France est donc aux antipodes des Etats-Unis et c'est bien la limite de la mission de Marshall Glickmann, assisté du coup dans son audit de plusieurs experts français qui maîtrisent eux, par exemple, les subtilités et difficultés de la co-gestion des stades entre collectivités, clubs et constructeurs/exploitants. Tous rendront leurs conclusions début 2015 au Comité Stades de la LFP.
Seule unanimité, l'optimisation des nouveaux stades passe par une meilleure connaissance des spectateurs et de leurs attentes, le fameux Customer relationship management(CRM) cher aux spécialistes de marketing. Aujourd'hui, aucun club ne dispose d'une base de données performante, capable de le renseigner sur l'identité, la fréquentation, les goûts, les attentes de ses spectateurs en matière de services.
En Europe, ceux qui se sont lancés dans la collection de ces données ne désemplissent pas, à l'image d'Arsenal, capable de suivre ses fans à la trace. A condition toutefois d'assurer un minimum de spectacle.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.