mardi 7 octobre 2014

L'argent bientôt interdit de stades

De nombreux clubs ont banni les moyens de paiement traditionnels --espèces, chèques ou cartes bancaires-- de leurs enceintes pour adopter un système de jetons ou de carte rechargeable, destinés à simplifier les échanges, fidéliser le spectateur, mais aussi l'inciter à la dépense. Et ça marche!

Nancy, Le Havre, Valenciennes, Lille en Ligue 1 ou 2 de football, Lyon, Oyonnax, Brive, Agen ou La Rochelle en rugby, la liste des clubs ayant fait le pari de la démonétisation de leur stade s'allonge chaque saison sans pour autant atteindre les niveaux de l'Allemagne ou des Pays-Bas, pionniers en la matière.
Le principal intérêt de cette mutation réside dans la fluidification des échanges. "Combien de spectateurs ont, pendant une mi-temps, renoncé à se rendre à une buvette embouteillée?", interroge Thomas Hegarty, directeur de LTF Software, l'un des acteurs de ce nouveau marché. Question corolaire: Combien les clubs ont-ils perdu de clients potentiels?
D'après Thomas Hegarty, le temps de vente d'une bière à la buvette d'un stade est passée de 30 secondes, sous l'ancien système, à 3 secondes avec la carte prépayée. "Il n'y a plus de caisse, plus de comptage, plus d'argent qui traine, plus de problèmes d'hygiène", détaille-t-il.
Prestataire de l'AS Nancy Lorraine, LTF a développé avec ce club le système sans doute le plus abouti en France. Le club de L2 est en effet le précurseur en matière de monétique avec une première carte prépayée imposée pour les consommations introduite en 2005. Aujourd'hui, la même carte associe les services de billetterie et de restauration, pour les abonnés ou les spectateurs occasionnels qui peuvent recharger leur carte sur internet ou des bornes placées dans le stade.
A ce service, s'est greffé un système de fidélité, récompensant les acheteurs après un certain montant, comme dans de nombreux autres commerces, et surtout une traçabilité des comportements: A quelle heure tel spectateur arrive au stade ? Combien dépense-t-il ?, etc. Résultat, le panier moyen, par spectateur, a augmenté de deux euros sur les 40.000 détenteurs de la carte, sur la seule dernière saison pour un coût d'investissement de 100 à 150.000 euros pour le câblage et les bornes installés en 2005, rénovés en 2010.
"Depuis plusieurs saisons, les ventes aux buvettes augmentent constamment et, de plus, ce système nous donne une conséquente avance sur trésorerie", explique Mathieu Enard, responsable du programme à l'ASNL. En effet, les euros crédités sur la carte par les consommateurs ne sont pas dépensés tout de suite et constituent ainsi une réserve non négligeable pour le club.
Pour autant, le système de cartes n'est pas forcément l'unique référence en matière de paiement dématérialisé. Le Lille OSC, qui s'y était mis lors de son emménagement au stade Pierre-Mauroy, y a ainsi renoncé au bout d'un an.
En effet, "ce système, excepté le cas de Lille, est difficilement réversible étant donnés les coûts de mise en place, analyse Jean-Pierre Blanc, patron de la société AGP System. Les clubs ont effectivement des données sur les consommateurs mais n'ont pas les structures pour les exploiter. En cas de panne système, tout est paralysé..."
La société de Jean-Pierre Blanc a préféré miser sur la simplicité en adoptant un système néerlandais "qui a inventé la roue", celui des jetons, inspiré par le fameux "Collierbar" du Club méditerranée.
Les avantages sont les mêmes en terme de sécurité, d'hygiène, de transparence des encaissements, d'avance sur trésorerie. Sans les inconvénients liés à la lourdeur du système de cartes.
Le club de Top 14 de Lyon, qui a choisi cette année d'équiper 100% de ses points de ventes en Token (jeton en anglais) dit avoir déjà plus que doublé ses "recettes buvettes" par rapport à la saison dernière, soit 40.000 euros de plus par match, et ses jetons, imprimés à l'effigie des joueurs du LOU, deviennent peu à peu des collectors que l'on conserve... pour le plus grand profit du club.
Mais quid du PSG, de Marseille en L1, de Toulon ou Toulouse en rugby... "La priorité des grands clubs", analyse Jean-Pierre Blanc, n'est "pas forcément le service au spectateurs pour gagner de l'argent. Avec les droits télés ou les ventes de joueurs, ce n'est pas vital pour eux."
Ça l'est en revanche pour les plus modestes.

(AFP)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.