vendredi 6 février 2015

Kita : "Si j’avais su combien j’allais dépenser…"

WALDEMAR KITA, le président du FC Nantes, évoque la difficulté d’être propriétaire d’un club professionnel.

Le FC Nantes lui appartient depuis 2007, et son itinéraire à la tête de l’institution ne donne pas envie d’y investir sa fortune. Waldemar Kita (60 ans) a dépensé plus de 80 M€, et a récolté plus de critiques que de victoires. Il ne pensait pas que la tâche serait aussi ingrate mais il ne veut pas lâcher son club pour autant.
« EST-IL DIFFICILE d’être propriétaire de club aujourd’hui ?
– C’est compliqué car nous n’avons pas les mêmes règles que les autres pays européens. On a plus de contraintes, il est difficile de contrôler la situation. L’exemple récent, c’est Serge Gakpé. On lui a proposé un contrat, mais il part (libre, en juin, au Genoa) car il va gagner beaucoup plus là-bas. Il y a aussi la DNCG qui nous surveille de près avec une vision de comptable qui ne tient pas compte de la réalité commerciale des clubs. Nous sommes contrôlés par des gens qui n’ont pas été chefs d’entreprise, ils n’ont jamais pris d’initiatives comme des entrepreneurs. Ce n’est pas adapté.
Avez-vous dépensé plus d’argent que prévu au FC Nantes ?
– Ah oui ! Si j’avais su combien j’allais dépenser, je n’aurais jamais acheté un club,; et beaucoup d’autres présidents ont la même vision. On se plaint, mais il est difficile de lâcher car on a une responsabilité morale.
Songez-vous à ouvrir votre capital ?
– Je pense qu’aujourd’hui, si on n’a pas de pétrole, on ne peut plus se permettre d’être seul au capital d’un club.
Vous cherchez donc des investisseurs ?
– C’est plus compliqué que ça. Je cherche à progresser, et ce n’est pas seulement une question d’argent. Faire entrer 5 M€, ça ne sert à rien. Il faut être d’accord sur des idées, sur la façon de faire progresser un club globalement.
Depuis 2007, avez-vous reçu des offres ?
– Non, pas d’offre sérieuse. Je ne me suis pas non plus déclaré, j’étais dans une situation délicate. Mais, depuis deux ans, on sort la tête de l’eau, après avoir investi énormément d’argent.
Vous avez quand même discuté avec Christophe Maillol, qui a voulu reprendre votre club en 2010…
– Mais je ne l’ai vu que deux heures ! Et je l’ai rencontré à la demande de mes avocats… Ce n’était pas sérieux. On ne peut pas faire exister pendant six mois ce genre de personnage, tout le monde voit vite que ce n’est pas un investisseur. Il y a plein de gens qui veulent s’intéresser aux clubs mais il n’y a rien derrière. Mais le foot, ce n’est pas une plaisanterie, ce sont des soucis énormes. Ceux qui dirigent des clubs ont mal à la tête tous les jours. Gakpé, on l’a sorti de la merde, et on apprend par la presse qu’il s’en va… C’est insupportable.
Comment s’est passé votre achat du club à la Socpresse, en 2007 ?
– Il y avait une vingtaine de sociétés intéressées. Dassault a sélectionné les candidats les plus sérieux sur le plan des idées, car il savait qu’il y avait l’argent derrière. Je venais de revendre ma société, cotée en Bourse, c’était transparent. Choisir le bon successeur, c’est une responsabilité. Et arriver à la tête d’un club, c’est aussi une responsabilité énorme car on nous prend pour des vaches à lait. Mais les clubs ne veulent plus investir. En France, un seul en est capable. Même Monaco a arrêté…
La France souffre d’un manque d’investisseurs ?
– D’où peuvent-ils venir ? De l’étranger, car je ne vois pas d’entrepreneurs français qui puissent venir dans le foot. Ils connaissent la fiscalité, les charges, et ils n’ont pas envie de se faire insulter. Parce qu’il faut être couillon pour prendre un club… Quand on y réfléchit, on se dit qu’on a été stupide. Mais ce n’est pas seulement un problème d’investisseurs, c’est un système global. L’Angleterre s’en sort très bien car elle a négocié d’énormes droits TV. Je n’aurais jamais accepté nos droits TV tels qu’ils ont été négociés. On a des qualités en France, mais on ne sait pas se vendre.
Peut-on être propriétaire d’un club sans perdre de l’argent ?
– Impossible. Ou alors oui, en jouant le bas de tableau. Mais il faut gérer avec ses moyens, et que le sportif comprenne l’économique. Avec un centre de formation qui coûte plus de 6 M€ par an, je veux six ou sept joueurs de chaque classe qui deviennent pros. Sinon, j’achète de bonnes recrues avec ces mêmes sommes. Mais quand je dis ça, on se fout de moi. C’est tout un système qu’il faut changer.
C’est-à-dire ? – On ne parle pas le même langage dans ce milieu. Ce serait bien que les gens qui investissent dans le foot le fassent jusqu’au bout, comme ils l’ont fait dans leur premier secteur d’activité. Au Conseil d’administration de la Ligue, il ne devrait y avoir que des présidents propriétaires, pour vraiment faire bouger les choses. »

(L'Equipe)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.