samedi 14 février 2015

Redevance des stades : les collectivités vont devoir refaire le match

"Le problème n'a jamais été bien réglé par la loi, et les collectivités territoriales se sont retrouvées coincées." Voilà comment Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), résume le dossier de la redevance des stades utilisés par les clubs sportifs professionnels. Une situation qui a conduit des communes devant les tribunaux administratifs, quand elles n'étaient pas épinglées par les cours régionales des comptes.
Pour tenter de mettre de l'ordre dans un sujet aussi complexe techniquement que passionnel au niveau local, l'Andes a réalisé une étude intitulée "La redevance de mise à disposition des équipements sportifs professionnels". Rendue publique le 6 févier, elle montre de grandes disparités dans les montants des redevances versées aux collectivités par les clubs, et avance quelques explications.

13% des villes ne font pas payer de redevance

Sur 66 villes concernées par la redevance d'utilisation professionnelle d'un stade de football ou de rugby, 52 ont répondu à l'enquête de l'Andes. Première surprise : parmi celles qui ont répondu, 13% déclarent ne faire payer aucune redevance à leur club – en Ligue 2 de football ou en Pro D2 de rugby. Une attitude en complète opposition avec le Code général de la propriété des personnes publiques qui précise que "toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique donne lieu au paiement d'une redevance".
Parmi les 87% de collectivités qui font payer une redevance, on distingue deux grandes catégories selon que le club utilisateur de l'équipement pratique le football ou le rugby. Pour le ballon rond, les redevances sont en effet beaucoup plus élevées que pour l'ovale. Dans chaque sport, une nouvelle distinction a ensuite lieu selon le niveau auquel évolue le club.

L'Euro 2016 fait flamber les prix

Mais la plus grande différence dans le montant des redevances est ailleurs. Ce sont en effet les stades rénovés ou construits dans l'optique de l'Euro 2016 de football qui entraînent les redevances les plus élevées. Et de loin. Ainsi la redevance moyenne des stades "Euro 2016" se monte à 3,1 millions d'euros annuels, quand la moyenne des autres redevances pour la Ligue 1 de football s'établit à 526.025 euros. Soit une différence de 1 à 6 ! L'écart n'est pas si marqué entre les stades de Ligue 1 (hors Euro 2016) et ceux de Ligue 2. Pour ces derniers, il faut compter un loyer annuel moyen de 222.072 euros.
Pour leur part, les clubs de rugby déboursent des sommes moins conséquentes pour louer leur stade. La moyenne des redevances en Top 14 étant de 290.000, tandis que celle de la Pro D2 est de 31.152 euros. Soit pratiquement un rapport de 1 à 10.
Pour l'Andes, la flambée des prix provoquée par les stades de l'Euro 2016 s'explique par les importants coûts de rénovation ou de construction pris en charge par les collectivités directement ou indirectement (à travers des partenariats public-privé et leurs remboursements sur plusieurs dizaines d'années). Le coût total sur les dix stades concernés s'élevant à quelque 1,2 milliard d'euros si l'on met de côté le projet de Lyon, entièrement privé. C'est ce que l'Andes appelle une redevance "au juste prix", par opposition aux redevances "historiques", déterminées de longue date et n'ayant pas fait l'objet de modalité de calcul précises, et aux redevances "concertées", fruit d'un accord entre élus locaux et dirigeants de clubs mais "ne correspondant pas totalement aux attentes des chambres régionales des comptes".

Vers une redevance "au juste prix" ?

Plus généralement, les écarts de redevance s'expliquent par les capacités des stades, qui varient de 10.900 à 67.000 places pour le football, et de 9.000 à 20.000 pour le rugby. Des capacités qui entraînent, pour le club utilisateur, un avantage plus ou moins grand. Rapportée au nombre de places au stade et au nombre de matchs disputés chaque année, les clubs du Top 14 de rugby paient par ailleurs une redevance plus élevée que les clubs de Ligue 1 de football (1,33 euro contre 1,04). Les stades de l'Euro 2016 emportent aussi la palme dans ce calcul : chaque place revenant à 3,07 euros par match au club utilisateur. Avec un stade neuf ou rénové, c'est donc un loyer trois fois plus élevé que paient en moyenne les clubs de football concernés par l'Euro 2016, et cela indépendamment de la capacité de leur stade.
On le voit, transparence et équité ne sont pas encore à l'ordre du jour dans ce dossier. L'Andes souhaite donc accompagner les collectivités à la mise en place d'une redevance "au juste prix", car "il est désagréable qu'un juge définisse les règles", plaide Jacques Thouroude. Mais la pression de la justice administrative n'est pas la seule. Dans une décision du 20 novembre 2013 relative aux aides d'Etat, la Commission européenne faisait remarquer qu'"en ce qui concerne les utilisateurs des stades, dans la mesure où ils exercent une activité économique, ils peuvent être considérés comme bénéficiaires d'un avantage si la redevance versée […] ne correspond pas au prix du marché pour une telle situation". La balle est plus jamais dans le camp des collectivités.

(Localtis)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.