lundi 22 juin 2015

Affaire Teddy Riner, dépendance vis à vis de la commune, interventions du maire : ce que le rapport de la CRC Ile-de-France reproche exactement au Levallois SC

Le Levallois sporting club (LSC) est une association « loi de 1901 » fondée en 1983 par le maire de Levallois-Perret, M. Patrick Balkany. Son objet statutaire est« l’organisation et le développement des activités physiques et sportives au profit de ses membres et la promotion du sport sur le plan local et du département des Hauts-de-Seine ». Avec 33 sections à l’heure actuelle, et près de 17 000 adhérents, le LSC se définit comme étant le premier club omnisports de France. Il bénéficie par ailleurs, depuis 1990, de l’agrément ministériel « jeunesse et sports ».
Même s’il est tourné prioritairement vers la pratique sportive de loisirs, le LSC a consacré de longue date une partie de son activité au développement du sport de haut niveau, en particulier dans trois disciplines : l’escrime, le judo et le tennis de table. Cette orientation s’est traduite par le recrutement de plusieurs athlètes professionnels et la constitution de sections « olympiques » distinctes de celles dédiées au sport amateur.
L’organisation des instances dirigeantes de l’association se caractérise par la place importante des représentants de la ville de Levallois-Perret au sein du conseil d’administration. Composé de 24 personnes, ce dernier compte en effet 8 « membres de droit » qui sont des élus du conseil municipal. Parmi eux figure l’actuel président de l’association, en fonction depuis septembre 2012. Les autres membres sont désignés parmi les présidents des sections sportives du club (10 sièges), parmi ses adhérents (4 sièges) et parmi le « collège des anciens présidents du LSC » (2 sièges). Alors même qu’il n’en fait pas formellement partie, le maire de Levallois-Perret a siégé à diverses reprises dans ce conseil pour prendre part aux débats – intervenant ainsi dans la vie associative du club – au titre de son statut de « président d’honneur » du LSC. Ce lien statutaire, fragile, avec l’association ne donne pas de fondement, dans tous les cas, à une participation active du maire à sa gestion.
Outre le fait que, de 2008 à 2012, le secrétaire général de l’association était parallèlement l’adjoint au maire en charge des sports, l’étroitesse des liens unissant le LSC à la ville de Levallois-Perret s’exprime de plusieurs autres façons. L’ensemble des locaux administratifs et sportifs utilisés par l’association sont mis à disposition à titre gracieux par la commune. Si cette autorisation d’utilisation du domaine public communal peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général, elle est irrégulière dès qu’il s’agit de l’organisation de manifestations sportives à caractère commercial. Cette utilisation doit alors donner lieu à paiement de redevances. Or, cela n’a jamais été le cas pour les nombreux galas de boxe professionnelle qui se sont tenus au palais des sports Marcel Cerdan au cours de la période.
De même, le LSC a bénéficié de manière ininterrompue de la mise à disposition à temps plein de plusieurs agents municipaux, dans des conditions insuffisamment détaillées par la convention liant le club à la commune, et sans avoir donné lieu à un remboursement, enfreignant ainsi les règles du code général des collectivités territoriales. À la suite de la suppression de la direction municipale en charge des sports, le LSC remplit dans les faits les missions précédemment dévolues à ce service communal. Depuis la rentrée 2014, l’intégralité des personnels communaux chargés de l’entretien et de la maintenance des équipements sportifs de la ville ont également été mis à disposition du LSC, sans contrepartie financière.
Surtout, le LSC est placé dans une situation de dépendance financière vis-à-vis de la commune. La subvention versée par la ville représente en moyenne plus de 50 % de ses recettes de fonctionnement, contre seulement 25 % environ en provenance des cotisations versées par ses adhérents. Cette dépendance s’est d’ailleurs accrue au cours de la période examinée. Ainsi la subvention municipale est passée de 4,5 M€ à 5,5 M€ entre les saisons 2007-2008 et 2008-2009. Cette subvention est demeurée relativement constante par la suite, atteignant même son niveau le plus élevé pour la saison achevée le 30 juin 2014 (6,1 M€). En comparaison, les autres financements publics sont relativement réduits, le montant cumulé des subventions départementales, régionales et de l’État étant de l’ordre de 0,5 M€ chaque année.
En dépit de ce soutien très significatif de la commune, la situation financière du LSC s’est sensiblement détériorée au cours de la période. Cette dégradation est tout d’abord liée à l’organisation de quelques événements sportifs de grande ampleur au budget mal maîtrisé. Ainsi les championnats du monde de judo en 2008 ont été déficitaires à hauteur de 0,75 M€. Elle résulte également de la forte progression des charges de personnel, avec notamment le recrutement d’un judoka professionnel de tout premier plan mondial. Ce recrutement était censé accroître le rayonnement national et international du club et de la ville. Dans les faits, il n’a pas entraîné de hausse importante des recettes issues des sponsors privés, mais il a lourdement pesé sur la masse salariale du club. Celle-ci a d’ailleurs continué à croître malgré la nette diminution des effectifs du LSC depuis 2010.
Confrontée ainsi à plusieurs exercices déficitaires successifs, l’association cumule des fonds propres négatifs (- 1,7 M€ en moyenne sur la période examinée) et supporte de graves problèmes de trésorerie (- 1,5 M€ de découverts cumulés par les sections). La solvabilité de l’association ne tient qu’à l’existence des subventions publiques très conséquentes. En dépit d’une légère amélioration survenue en 2013, le LSC ne pourra espérer un assainissement durable de sa situation financière qu’au prix d’une maîtrise accrue de ses charges de fonctionnement, et particulièrement de personnels.
Une analyse plus fine de l’activité du LSC montre qu’une part importante des pertes constatées pendant la période s’est concentrée au sein de certaines sections de taille importante : la section tennis, ainsi que les sections professionnelles de tennis de table et de judo, qui bénéficient pourtant d’une proportion substantielle de la subvention municipale.
La politique de fixation des cotisations est insuffisamment étayée par des critères analytiques précis. De plus, elle est demeurée inchangée depuis 2011 et fait l’objet de tarifs préférentiels pour le personnel communal, sans fondement explicite dans les statuts du club. Toutefois, une tarification, qui ne serait plus définie de manière linéaire mais selon les besoins de chaque section sportive, était attendue pour la saison 2014-2015.

(CRC Ile-de-France)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.