vendredi 31 mars 2017

La conscience politique des sportifs de haut niveau dépend de leur situation matérielle

Eric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche, proche de Jean-Luc Mélenchon, conseiller régional d'Ile de France, est aussi le fondateur de l’agence de communication Effets Mer qui avait en charge les relations publiques et presse d’Isabelle Autissier, Michel Desjoyeaux, et toujours actuellement de Vincent Riou. Pour lui, la conscience politique des sportifs de haut-niveau dépend beaucoup de leur situation matérielle.

Avez-vous le sentiment que les sportifs de haut niveau s’intéressent à la politique au point de franchir le pas et de s’engager ?
Cela dépend des sportifs de haut niveau dont on parle. Cela dépend des sports aussi, et de leurs conditions matérielles. Entre un joueur de football qui joue dans un club anglais, et qui est payé plusieurs millions d’euros à l’année et, pour ceux que je connais, un marin qui gagne 2 000 € par mois et qui navigue sur les côtes françaises, le rapport à la société n’est pas le même. Disons, pour aller vite, et si on met de côté tous ceux qui ont un train de vie qui les éloigne de la réalité que vivent la majorité de nos compatriotes, les sportifs ont un rapport à la politique qui est identique à celui des français en général. Y compris, et c’est bien le problème, avec un regard un peu distancié.
Vous ne trouvez pas les sportifs déconnectés ?
Pour ceux que je connais depuis des années, ce n’est pas différent. Pour le sport que je connais le mieux, la voile, il y a, au moins, un rapport à l’environnement et au monde. Je n’ai jamais eu le sentiment que dans ce milieu-là, on se désintéressait de la politique. J’ai longtemps travaillé avec Isabelle Autissier, et elle est aujourd’hui présidente du WWF. Les marins ne sont pas en dehors de la société, il me semble.
Un sportif qui commence à avoir une certaine notoriété prend il un risque à s’afficher ?
Oui, c’est un autre problème. Dès lors que vous devenez visible dans un milieu, vous réfléchissez à deux fois avant d’afficher une préférence partisane. Déjà pour la raison, que vous êtes en lien avec des sponsors, ou des fédérations, ou autres. Il faut vraiment avoir une bonne assise dans son sport, pour se le permettre. Mais ce n’est pas propre au sport. C’est aussi valable dans une entreprise privée, où afficher clairement ses opinions ou convictions politiques, n’est pas forcément sans conséquences. En plus de ça, quand elles sont sur une place dans l’échiquier politique qui peut être considérée comme contestant, par exemple, le libre marché, ce n’est pas évident. Mais si un sportif de haut niveau réfléchit à deux fois avant de s’engager, c’est peut-être aussi parce que sa voix peut porter, du coup, il porte encore plus de responsabilité.
Ou alors il attend la fin de sa carrière…
Oui c’est vrai aussi. Mais ce n’est pas particulier au sport. Je vous ferai remarquer que l’on commence à déceler le même phénomène chez les artistes aujourd’hui, où l’engagement est moins marqué qu’il y a une vingtaine d’années. C’est aussi le décalage entre la société civile et le monde politique pour des raisons que je peux comprendre.
Peut-on, en caricaturant un peu, dire que le sport pro est de droite et le sport associatif ou issu des fédérations et patronages de gauche ?
Il y a quelques années, c’était clair. Un sportif dans un sport très payé, où l’on voyage beaucoup, où on fait carrière à l’étranger, est plus imprégné par l’idéologie libérale, l’individualisme, le chacun pour soi qui imprègne ce milieu-là. Bon, il y a des exceptions, notamment chez les footballeurs qui parviennent encore à se souvenir d’où ils viennent, de quartiers très populaires. Prenons le cas des footballeurs, qui démarrent très jeunes, dans des centres de formation de clubs pros, avant même que leur formation de citoyen soit assurée, par l’école notamment. Ils se retrouvent ensuite dans un monde de valeurs qui est celui du tout marché, du libre-échange total. C’est donc très difficile, dans ce cas-là, de résister… Ces footballeurs ne se disent pas forcément à droite car ils ne sont pas dans une latéralité gauche-droite, mais sont imprégnés des idées libérales. En revanche, dans d’autres sports, plus associatifs, où l’argent est moins présent, où la notion d’Equipe de France et la fierté de représenter son pays dans les JO ou autres, est plus forte, là c’est plus partagé.
C’est vrai que l’on trouve assez peu de footballeurs engagés...
Il y a eu des gens comme Vikash Dhorasso, ou même Dominique Rocheteau à une époque. Je me souviens aussi de sorties médiatiques engagées comme avec Steve Savidan, mais c’est vrai que c’est très minoritaire.
Que pensez-vous de cette remarque de Fabien Pelous qui disait : « Je suis culturellement de gauche, mais économiquement de droite », ça résume un peu la difficulté à trancher non ?
Oui, le rugby en est le symbole. Dans les années 60-70, les rugbymen étaient amateurs et souvent employés par la mairie ou des organismes proches de la mairie. Très souvent ils épousaient les convictions de la mairie en place. À partir du moment où le rugby s’est professionnalisé, les conditions matérielles des joueurs ont changé aussi et les opinions aussi. Ce n’est pas différent de la société finalement.
Si un sportif s’engage politiquement dans un parti, est-il condamné à ne s’occuper que de sport ? Exemple, David Douillet ou Guy Drut, forcément ministre ou secrétaire d’État au Sport.
Non, pas du tout. Moi, je suis avec David Douillet au conseil régional d’Ile-de-France, et, même si je suis en désaccord avec lui politiquement, je peux vous dire qu’il s’occupe de dossiers autres que le sport. Et chez nous ce ne sera pas le cas non plus.

(Source)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.