dimanche 14 mai 2017

Les normes sportives volontaires : un jeu très collectif

Les normes sportives obligatoires, émanant des règlements des fédérations sportives, sont souvent la hantise des élus locaux. Un changement de tracé sur un terrain de basket-ball, et voilà le sol d'un gymnase tout neuf à refaire, moyennant plusieurs dizaines de milliers d'euros…
Pourtant, quand il s'est agi d'aménager des parcours de trail - la course à pied en milieu naturel, en pleine expansion -, les conseils départementaux de l'Isère et de la Savoie, bientôt suivis de l'Ardèche, de la Haute-Savoie et de la ville de Besançon, se sont empressés de réclamer une norme… volontaire. Pour cela, ces collectivités se sont tournées vers l'Afnor. Afin d'établir une norme portant sur l'aménagement des parcours permanents de trail, qui sera publiée en juin 2017, l'Association française de normalisation a mis les collectivités parties prenantes autour de la table, tout comme le pôle ressources sport de nature du ministère des Sports et la Fédération française d'athlétisme.

Les collectivités incontournables

L'exemple du trail illustre à merveille la méthode de l'Afnor en matière de normes sportives, basée sur le jeu collectif. "L'Afnor ne s'autosaisit jamais d'un sujet, explique Grégory Berthou, responsable du développement de la normalisation du secteur sports et loisirs au sein de l'association. Ce sont toujours les acteurs de la chaîne qui expriment leurs besoins : utilisateurs, fédérations, pouvoirs publics, organismes fédérateurs de type Fedairsport ou collectivités, lesquelles sont incontournables pour nous car elles sont propriétaires de 80% des équipements sportifs."
La norme sur le contrôle des buts publiée il y a sept ans, avec une forte participation de l'Association des maires de France (AMF), de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport) et de l'Andiiss (Association nationale des directeurs d'installations et des services des sports), a été emblématique de cette méthode. "Nous avions tout le monde autour de la table pour décider de ce qu'il fallait contrôler, de la façon dont il fallait contrôler et à quelle fréquence, ou encore si on pouvait soi-même contrôler ou s'il fallait passer par un bureau de contrôle. Tout cela a fait l'objet de discussions pendant deux ans et a permis d'aboutir à quelque chose qui aujourd'hui, sept ans après, reste toujours d'actualité", se réjouit Grégory Berthou.

370 normes sportives

Avec des réunions qui ont régulièrement réuni quarante voire cinquante participants, l'élaboration de la norme sur les buts fait toutefois figure d'exception. "Nous travaillons sur le mode du consensus, et au dessus d'une vingtaine de personnes, il est parfois difficile d'avancer, pointe Grégory Berthou. Or nous essayons d'organiser ces démarches dans un temps raisonnable. Pour développer une norme au niveau national, il faut environ une année."
Il existe aujourd'hui quelque 370 normes sportives d'application volontaire publiées par l'Afnor. Si l'association a plus de 90 ans d'existence, il a fallu attendre le début des années 1990 pour voir émerger le sport parmi ses sujets de travail. Au sein de l'Afnor, les normes sportives sont élaborées par différentes structures, les commissions de normalisation. Il en existe une sur les piscines, une autre sur les sols sportifs, tandis que plusieurs traitent des aires de jeux. Au total, une vingtaine de commissions s'occupent des équipements et du matériel sportifs.
De plus, ces commissions sont transversales. Ainsi la normalisation des piscines couvre la conception de l'équipement mais aussi son exploitation. "Il est fondamental de parvenir à mettre dans la même commission l'ensemble des acteurs de la chaîne, plaide Grégory Berthou. L'œil de l'exploitant sur la phase de conception est très intéressant pour éviter des erreurs qui vont coûter cher en termes d'exploitation."

Une sécurité pour les élus

Pour les collectivités, il est par définition possible d'ignorer ces normes d'application volontaire. Pourtant, de nombreux cas ont démontré leur utilité, notamment en termes de responsabilité des élus. "Quand vous avez un accident de ski alpin, comme c'est par exemple arrivé avec Michael Schumacher, on va tout de suite chercher la responsabilité de la commune. Dans cette affaire, le juge d'instruction a pu voir dès la phase préalable que la commune de Méribel avait manifestement respecté les recommandations de la norme et a dégagé de suite la responsabilité de la commune", se souvient Grégory Berthou, qui travaille beaucoup avec l'Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM).
Pour les élus, la norme volontaire présente deux bénéfices principaux : d'une part, elle concerne tous les équipements, et pas uniquement ceux destinés à la compétition, contrairement aux normes obligatoires édictées par les fédérations sportives ; d'autre part, il s'agit, selon ses promoteurs, du moyen le plus facile pour les communes de s'assurer qu'elles répondent bien à leurs obligations réglementaires.

Combler les vides réglementaires

Mais les normes volontaires ont une autre vertu : celle de combler des vides. En 2015, après avoir abrogé un arrêté régissant les salles d'arts martiaux, le ministère des Sports a demandé à l'Afnor, ainsi qu'aux fédérations et aux collectivités territoriales, d'élaborer une norme volontaire pour remplacer l'ancienne réglementation. "Si demain un architecte veut construire une salle d'arts martiaux, il aura toujours un texte de référence sur lequel s'appuyer", justifie Grégory Berthou. Enfin, la norme volontaire offre un autre avantage : elle peut servir à orienter le choix lors d'un appel d'offres et à obtenir des garanties dans la sélection de prestataires.
Comme le démontre l'exemple du trail, l'Afnor travaille particulièrement cette année sur la montagne. Et une norme sur l'aménagement de via ferrata est attendue pour la fin de l'année 2017. Parallèlement, lors du prochain Salon des maires, comme tous les ans, l'association mettra à disposition des collectivités un document compilant toutes les normes existantes dans le secteur des sports et loisirs. Une manière d'informer, mais aussi de susciter des vocations... pour faire grossir son collectif.

(Localtis)

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Journaliste spécialisé dans l'actualité sportive, j'ai collaboré, entre autres, à So Foot, Libération, Radio France Internationale. Aujourd'hui, je suis particulièrement les politiques sportives au plan national et dans les collectivités locales pour Localtis.